La « clause de non-concurrence » est une disposition contractuelle qui a pour but de limiter la liberté d'un salarié de travailler pour un employeur, souvent concurrent, ou dans certains secteurs d’activité à l’issue de son contrat de travail. Destinée à protéger les intérêts légitimes de l'entreprise, la clause de non-concurrence est très encadrée : sa violation peut avoir de lourdes conséquences, pour la salarié fautif, mais aussi pour le nouvel employeur qui s'en rendrait complice.
PROCAP DETECTIVE se propose, au travers de cet article, de présenter les contours juridiques de la clause de non-concurrence, ses conditions de validités et ses subtilités, souvent méconnues.
Conditions de validité de la clause de non-concurrence
Pour qu'une clause de non-concurrence soit valide, elle doit respecter un certain nombre de conditions qui sont obligatoirement cumulatives. Outre le fait qu'elle doive être exempte de tout vice de consentement et répondre aux dispositions de l'article L.1221-1 du Code du travail, elle obéit aussi à des règles strictes issues principalement de la jurisprudence sociale. Selon un arrêt de principe de la Cour de cassation du 10 juillet 2002, « une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ». Détaillons un peu plus cet extrait.
1ère condition: La clause de non-concurrence doit servir à protéger les intérêts légitimes de l'entreprise
La première condition de validité d'une clause de non-concurrence tient à sa finalité première, qui est de servir à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise. Notion jurisprudentielle au contours vagues, l'intérêt légitime de l'entreprise est un élément d'appréciation essentiel quant au bien fondé d'une clause de non-concurrence et, par voie de conséquence, de sa validité. Parce qu'elle constitue une réelle entrave à la liberté du travail, la clause de non-concurrence, pour être justifiée, doit servir exclusivement à protéger les intérêts de l'entreprise, ceux-ci pouvant être de nature économiques, commerciaux, organisationnels ou encore patrimoniaux. Entrent dans la composition des intérêts légitimes d'une entreprise tout ce qui a trait à son savoir-faire, à son organisation, à ses process et méthodes, mais aussi à son fichier client ou fournisseur. Statistiquement, les contrats pourvus d'une clause de non-concurrence sont souvent utilisés pour des emplois ou des posts qualifiés, dans des domaines à fort potentiels (industrie, technologie, commerce, franchises), dans lesquels la mobilité d'employé qualifiés constitue aussi bien enjeu de développement qu'un facteur facilitateur de concurrence déloyale.
2ème condition: Elle doit être spécifique
Une clause de non-concurrence ne doit jamais avoir de portée générale, ou viser les compétences globales du salarié, mais concerne toujours une fonction précise ainsi qu'un emploi déterminé. Peut être déclarée abusive une clause qui interdirait à un salarié d'exercer une activité conforme à ses aptitudes, qualifications ou à son expérience professionnelle, sans lien évident avec son ancien poste : c'est pourquoi la clause doit mentionner les fonctions professionnelles qui seront prohibées, non pas in abstracto, mais de manière spécifique au regard du poste occupé, du secteur d'activité et d'autres éléments distinctifs propres que l'entreprise tend à protéger.
3ème condition: Elle doit être limitée dans le temps et dans l'espace
Pour être valide, une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et l'espace. Là encore, il n'y a pas de limites fixées par la loi, mais la jurisprudence a établi des critères d'appréciation inhérents à chaque secteur: pour garantir le principe de liberté du travail et éviter tout abus, les limites temporelles et géographiques d'application ne doivent pas être excessives. Le plus souvent, la durée d'une clause de non-concurrence n'excède pas les deux ans. Les limites géographiques sont définies en fonction, entre autres, du secteur d'activité de l'entreprise, de sa zone de chalandise, elles comprennent généralement le ressort d'une ville, d'un département ou d'une région. Précisons que ces limites (temporelles et géographiques) doivent être expressément inscrites dans la clause.
4ème condition: Elle doit prévoir une contrepartie financière
Une clause de non-concurrence sera illicite si elle ne prévoit pas une contrepartie financière. Celle-ci doit revêtir la forme d'un salaire, assorti des augmentations forfaitaires de congés payés et soumis à cotisations sociales. La contrepartie financière ne doit pas être une simple indemnisation dérisoire, elle est calculée en fonction des spécificités et des difficultés du poste, mais aussi des enjeux économiques sous-jacents. En général, elle s'élève entre 25 % à 50 % du salaire de base, voire davantage dans certains secteur ultra sensibles. La contrepartie financière est susceptible de revalorisation sur décision de justice. A ces conditions énumérés par l'arrêt de principe de 2002, il faut en ajouter deux autres, à savoir:
La clause de non-concurrence ne s'applique qu'au contrat à temps complet et non au temps partiel : une incompatibilité de principe existe entre l'imposition d'une clause de non-concurrence et le droit de tout salarié au temps complet.
Elle doit être expressément portée à la connaissance préalable du salarié et insérée dans le contrat de travail : il ne suffit pas qu'une clause de non-concurrence soit prévue par la convention collective pour qu'elle soit valide. En effet, même prévue par la convention, elle doit obligatoirement être portée à la connaissance du salarié. Il appartient à l'employeur de prouver que le salarié a été informé de l'existence de la clause. Jamais tacite, la clause de non-concurrence doit toujours être expresse.
Preuves du non-respect d'une clause de non-concurrence
Dans le cadre d'un litige pour non-respect d'une clause de non-concurrence, la charge de la preuve incombe à l'employeur. En effet, il lui appartient de prouver la violation de celle-ci par son ancien employé. Précisons que le régime de la preuve en matière de violation de clause de non-concurrence est libre. Toutefois, l'employeur doit veiller, dans sa démarche probatoire, au respect du principe de proportionnalité et de loyauté, et éviter toute preuve obtenue de manière déloyale, et encore moins en recourant à la fraude à la violence. Le recours aux services d'un professionnel de la preuve, tel un détective privé agréé, peut constituer une solution pertinente et légale afin de rassembler de manière efficace les éléments de preuves tout en assurant leur recevabilité au regard du droit.
Attention cependant aux décisions hâtives ou reposant sur des éléments parcellaires. La preuve de violation d'une clause de non-concurrence doit reposer sur des éléments solides, précis, étayés et surtout cumulatifs. En effet, le fait, pour un salarié soumis à une clause de non-concurrence, d'exercer une activité chez le concurrent ne suffit pas à elle seule à caractériser une violation. Il est important d'apporter, en sus et de manière cumulative, la preuve qu'il y exerce une activité similaire, laquelle étant expressément visée par la clause, et qu'il y exécute des actes concrets prohibés, et ce dans les limites du secteur géographique dévolu, et dans le laps de temps prévu par la clause (Cass. soc., 5 déc. 2001).
Enfin, le fait pour un salarié de solliciter un emploi similaire auprès d'une société concurrente n'est pas constitutif d'une violation d'une clause (Cass. soc., 12 mai 2004).
Certains employeurs concurrents peu scrupuleux pourraient être tentés de ruser en embauchant un salarié tenu par une clause de non-concurrence en vue d'occuper un poste n'entrant pas officiellement dans le champs d'application de la clause, mais les fonctions officieusement exercées par le salarié contreviennent dans les faits aux termes de la celle-ci. Dans ce cas, il s'agira pour l'entreprise lésée de démontrer la ruse en constituant la preuve d'accomplissement d'actes similaires visés par la clause, et ce quand bien même le nouveau poste soit officiellement différent.
Sanctions en cas de violation d'une clause de non-concurrence
Deux juridictions sont compétentes pour connaître de contentieux ayant trait au non-respect de clause de non-concurrence : si l'action est dirigée contre le salarié fautif, le Conseil des Prud'hommes dispose d'une compétence exclusive. Le tribunal de commerce est lui compétent pour connaître d'une action en concurrence déloyale contre le nouvel employeur, sur le fondement de « complicité de violation de clause de non-concurrence. » En cas de condamnation, le salarié s'expose au remboursement de la contrepartie pécuniaire indûment perçue depuis la date de son manquement, mais aussi à l’interdiction de poursuivre l'activité sur le fondement de l'article 1143 du Code civil et des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du Code du travail. Il s'expose aussi au paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 et 1142 du Code civil, en réparation au préjudice matérielle et au recouvrement des pertes subies et manques, assortie éventuellement d'une condamnation en réparation au titre du préjudice moral lié à l'obligation de non-concurrence.
Le nouvel employeur, complice de violation d'une clause de non-concurrence, n'est pas en reste. Tout comme le salarié fautif, il s'expose au paiement de dommage-intérêts et la cessation de l'activité litigieuse. Il convient de rappeler que le nouvel employeur est tenu de vérifier la situation contractuelle du salarié au regard de son précédent emploi, et notamment l'existence et l'étendue de la clause de non-concurrence.
Comments