On associe généralement la « clause de non-concurrence » à une disposition contractuelle ayant lieu dans une relation relevant du droit du travail, comme celle existant entre un employeur et un salarié. Mais une telle disposition peut-elle aussi exister lorsqu’il s’agit de deux entités économiques distinctes, comme deux entreprises ? Celles-ci peuvent-elles convenir d’une clause de non-concurrence, et sous quelles conditions ? Comment concilier principe de la liberté d’entreprendre et une clause de non-concurrence ? Une contrepartie financière est-elle obligatoire ? C’est à toutes ces questions que nous tenterons de répondre...
Clause de non-concurrence: principe général
Nous connaissons la clause de non-concurrence comme disposition contractuelle ayant cours dans le monde du travail. Insérée dans le contrat, cette clause a pour but de limiter la liberté du salarié de travailler pour un employeur, souvent concurrent, ou dans certains secteurs d’activité à l’issue de son contrat de travail. Pour être valide, une clause de non-concurrence doit être dénuée de tout caractère abusif et obéir à des règles strictes. La clause de non-concurrence doit respecter cinq conditions cumulatives: (1) elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise; (2) elle doit viser des fonctions ou activités précises ; (3) elle doit être limitée dans l’espace et dans le temps; (4) elle doit comprendre une contrepartie financière; (5) elle doit être expressément portée à la connaissance du salarié et prévue dans le contrat. En effet, une clause de non-concurrence ne peut se présumer du simple fait d’une relation de travail, elle est à ce titre différente de l’ « obligation de loyauté » qui, elle, est consubstantielle au contrat de travail.
Quid de la clause de non-concurrence entre deux entreprises
Levons le suspens: la clause de non-concurrence peut aussi avoir lieu entre deux entreprises distinctes. Elle est d’ailleurs couramment utilisée, et notamment dans les contrats de franchise, de sous-traitance, ou de vente de fonds de commerce. Nonobstant quelques nuances juridiques par rapport à sa sœur sociale, la clause de non-concurrence entre entreprises est bâtie sur le même principe que celle ayant cours en droit du travail et obéit presque aux mêmes mécanismes: elle consiste principalement à limiter à l’une des parties au contrat, pendant un certain temps et sur un secteur géographique donné, l’exercice d’une activité professionnelle susceptible de concurrencer l’autre partie ou la réalisation d’actes de commerce entrant en concurrence avec elle. Pour être valable, une clause de non-concurrence entre entreprises doit être justifiée par la nécessité de protéger les intérêts légitimes de l’entreprise bénéficiaire et dûment proportionnée à l’objet du contrat auquel elle se rapporte. Une clause de non-concurrence qui procure un avantage excessif, disproportionné ou anormal à son bénéficiaire peut être annulée pour cause de clause abusive. N’étant pas une disposition définie par la loi, exception faite de celles insérées dans les contrats d’agents commerciaux, ce sont les parties au contrat qui déterminent l’étendue de l’obligation de non-concurrence. D’autre part, une clause de non-concurrence entre entreprises doit être limitée et détaillée quant à son objet. Une clause de non-concurrence n’a jamais de portée générale, mais concerne une ou des activités expressément désignées. La clause doit donc définir précisément la liste des activités interdites ainsi que les modalités d’exercice. Une clause trop générale risque d’être annulée car abusive. Rappelons qu’une clause a pour but de limiter le liberté d’entreprendre de l’autre partie, mais non de l'annihiler totalement, ce qui est strictement interdit.
Les différences entre une clause de non-concurrence avec un salarié et celle entre deux entreprises
Il existe toutefois quelques différences entre la clause de non-concurrence ayant lieu dans une relation de travail et celle pouvant exister entre deux entreprises distinctes. A la différence de sa variante sociale, la clause de non-concurrence entre deux entreprises ne prévoit pas obligatoirement de contrepartie financière. Elle est, en outre, d’application immédiate ou à une date librement définie par les parties, tandis que la clause de non-concurrence en droit du travail n’est effective et ne court qu’à compter de la fin du contrat de travail du salarié.
Que se passe-t-il en cas de contentieux?
En cas de contentieux, une clause de non-concurrence peut être annulée si elle est considérée comme abusive. Si par contre elle obéit aux conditions de validité précitées, mais qu’elle n’est pas respectée, elle donne lieu aux sanctions prévues par les parties dans le contrat, c’est-à-dire le plus souvent au versement de dommages-intérêts au profit de la partie lésée. Le juge peut également interdire la poursuite de l’activité illicitement exercée. Rappelons enfin, qu’en cas de litige, une clause de non-concurrence appelle une interprétation stricte de la part des juges. Ceux-ci, n’ayant pas la faculté de se substituer aux parties, se prononcent sur la portée et l’étendue de l’accord, non d’une manière générale, mais tel que cela est rapporté dans le texte de la clause. D’où une extrême rigueur, en amont, dans la rédaction de la clause, le choix des termes et la fixation des limites.
Comments