DƩlit d'abus de confiance par un salariƩ
- PROCAP DETECTIVE
- 6 mai 2022
- 7 min de lecture
DerniĆØre mise Ć jour : 29 sept.

Quel est le point commun entre un employĆ© qui dĆ©tourne la connexion internet de lāentreprise pour visionner et tĆ©lĆ©charger du contenu pornographique; un serveur dāun bar qui offre des consommations Ć des clients Ć lāinsu de son employeur ; un cadre qui rĆ©nove sa maison personnelle avec les deniers de lāentreprise ; un salariĆ© qui utilise son temps de travail Ć dāautres finalitĆ©s que ce qui est prĆ©vu au contrat de travail, ou encore un autre qui transmet des donnĆ©es clientĆØle Ć la concurrence ?ā¦
Eh bien, toutes ces situations sont constitutives de dĆ©lit dā Ā« abus de confiance Ā» ; et lorsque cette infraction est commise dans le cadre de la relation de travail, les consĆ©quences, aussi bien au pĆ©nal que sur le plan civil, peuvent ĆŖtre extrĆŖmement lourdes. Abus de confiance dans la relation de travail, gare aux tentations de dĆ©tournements des actifs de lāentreprise.
Abus de confiance : dƩfinition et ƩlƩments constitutifs
Le dĆ©lit dāabus de confiance est dĆ©fini Ć lāarticle 314-1 du Code pĆ©nal, comme Ā« le fait par une personne de dĆ©tourner, au prĆ©judice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont Ć©tĆ© remis et qu'elle a acceptĆ© Ć charge de les rendre, de les reprĆ©senter ou d'en faire un usage dĆ©terminĆ©. Ā»
Pour que lāinfraction soit constituĆ©e, il est nĆ©cessaire que soient rĆ©unies plusieurs conditions:
1- Remise prĆ©alable dāune chose Ć titre prĆ©caire
Lāarticle 314-1 du Code pĆ©nal prĆ©voit quāil doit y avoir une remise de la chose. Lāauteur de lāinfraction nāest quāun dĆ©tenteur prĆ©caire de la chose et non le propriĆ©taire rĆ©el. A la diffĆ©rence du Ā« vol Ā», où le dĆ©tournement est purement une appropriation de la chose dāautrui, rĆ©alisĆ©e Ć lāinsu de la victime et sans son consentement (soustraction frauduleuse du bien dāautrui), ou de lā Ā« escroquerie Ā» qui suppose une manÅuvre frauduleuse ou une tromperie, lāabus de confiance suppose obligatoirement la remise (par la victime ou par un tiers) dāune chose, de fonds, de valeurs, sans transfert de propriĆ©tĆ©, au bĆ©nĆ©ficiaire, charge Ć celui-ci de les rendre, de les reprĆ©senter ou dāen faire un usage bien dĆ©terminĆ©. La remise de la chose fait naĆ®tre une obligation du dĆ©positaire vis-Ć -vis du propriĆ©taire. Cette condition (la remise prĆ©alable) est cruciale, et la jurisprudence constante de la haute cour a encore rappelĆ© cette rĆØgle dans un rĆ©cent arrĆŖt rendu le 15 dĆ©cembre 2021. Lāabus de confiance ne procĆØde pas nĆ©cessairement dāun acte frauduleux, et cāest toute la subtilitĆ© de cette incrimination qui repose initialement sur la remise dāune chose Ā« librement Ā» par son propriĆ©taire, sans quāil nāy ait de transfert de propriĆ©tĆ©, mais qui doit ĆŖtre restituĆ©e ou destinĆ©e Ć une finalitĆ© dĆ©terminĆ©e. Ā« PrĆ©caire Ā» a le sens ici de Ā« provisoire Ā», Ā« transitoire Ā», Ā« incomplet Ā», en ce sens que lāauteur qui se rend coupable dāabus de confiance nāa sur la chose remise par le propriĆ©taire quāun droit Ā« minime Ā», Ā« transitoire Ā», et quāil sait devoir rendre ou en faire un usage dĆ©terminĆ©.
2- Lāexistence dāun dĆ©tournement effectif et volontaire
Entrant dans la composition de lāĆ©lĆ©ment matĆ©riel de lāinfraction dāabus de confiance, le dĆ©tournement consiste dans lāusage nĆ©cessairement Ā« abusif Ā» dāun bien confiĆ© ou de valeurs remises, ou dāun usage de la chose pour une autre finalitĆ© que ce pourquoi elle Ć©tait initialement dĆ©volue. L'auteur profite alors de la confiance que lui accorde la victime pour rĆ©aliser le dĆ©tournement. Un contrat (y compris moral ou tacite) doit nĆ©cessairement avoir Ć©tĆ© passĆ© entre l'auteur et la victime. Ne pas rendre Ć temps un bien louĆ© (ou mĆŖme prĆŖtĆ©) est potentiellement constitutif d'un abus de confiance car celle-ci est mise Ć mal par le non-respect d'un engagement entre deux personnes. Un simple retard dans la restitution dāun bien louĆ© (un vĆ©hicule par exemple), ou une omission, ne sont pas suffisant Ć constituer un abus de confiance, il est nĆ©cessaire dāapporter la preuve dāun dĆ©tournement effectif et volontaire, comme si le bĆ©nĆ©ficiaire se comportait sur la chose et en disposait de la mĆŖme maniĆØre que sāil en Ć©tait le propriĆ©taire rĆ©el. Lāexemple typique du dĆ©tournement est le cas du mandataire indĆ©licat qui vend les biens de son mandant alors quāil nāen a reƧu aucun pouvoir pour ce faire, ou encore celui du locataire de vĆ©hicule qui ne restitue pas le bien louĆ© Ć termes prĆ©vus.
3- Lāexistence dāun prĆ©judice
Lāabus de confiance suppose lāexistence dāun prĆ©judice dont se prĆ©vaut la victime. Ce prĆ©judice nāest pas nĆ©cessairement actuel, mais peut aussi ĆŖtre Ć©ventuel ou non encore advenu. De mĆŖme, le prĆ©judice peut ĆŖtre aussi bien matĆ©riel que moral.
4- LāĆ©lĆ©ment intentionnel
Lāabus de confiance est une infraction intentionnelle. Il est nĆ©cessaire dāapporter la preuve que lāauteur avait connaissance de la prĆ©caritĆ© de son droit sur la chose et de son obligation (y compris morale) de restituer la chose ou dāen faire un usage dĆ©terminĆ©.
Abus de confiance : sanctions prƩvues au Code pƩnal
Sur le plan pĆ©nal, lāabus de confiance est puni de trois ans dāemprisonnement et de 375 000 euros dāamende. Cette peine est portĆ©e Ć sept ans d'emprisonnement et Ć 750 000 ⬠d'amende lorsquāelle est commise en bande organisĆ©e, au prĆ©judice dāune association, ou dāune personne vulnĆ©rable due Ć son Ć¢ge, Ć une maladie, Ć une infirmitĆ©, Ć une dĆ©ficience physique ou psychique ou Ć un Ć©tat de grossesse. La complicitĆ© dāabus de confiance est Ć©galement punie des mĆŖmes peines. Enfin, les peines sont portĆ©es Ć dix ans d'emprisonnement et Ć 1 500 000 euros d'amende lorsque l'abus de confiance est rĆ©alisĆ© par un mandataire de justice ou par un officier public ou ministĆ©riel soit dans l'exercice ou Ć l'occasion de l'exercice de ses fonctions, soit en raison de sa qualitĆ©. A noter toutefois quāil nāexiste aucune disposition dans le Code pĆ©nal rĆ©primant la tentative dāabus de confiance. Cette infraction, relevant des dĆ©lits dāaction, est ou bien rĆ©alisĆ©e ou bien elle ne lāest tout simplement pas.
Lāabus de confiance dans la relation de travail
DĆ©tournement du temps de travail, dĆ©tournement de clientĆØle, des biens et Ć©quipements de lāentreprise, encaissement sur le compte personnel de chĆØques provenant de clients, dĆ©tournement des actifs de lāentreprise, achats de biens personnels avec les deniers de lāemployeur, etc. Certains salariĆ©s malhonnĆŖtes peuvent ĆŖtre tentĆ©s de dĆ©tourner Ć leur profit les actifs de lāentreprise. Au civil comme au pĆ©nal, les sanctions de tels comportements peuvent sāavĆ©rer lourds de consĆ©quences.
Quelques exemple de situations caractƩrisant un abus de confiance du fait de salariƩs peu scrupuleux :
Exemple n°1: Utilisation détournée du temps de travail, pour lequel le salarié perçoit une rémunération
Ā«āLāutilisation par un salariĆ© de son temps de travail Ć des fins autres que celles pour lesquelles il perƧoit une rĆ©munĆ©ration de son employeur, constitue un abus de confiance, engageant la responsabilitĆ© pĆ©nale du salarié» (arrĆŖt cass. crim du 19 juin 2013)
Exemple n°2: Utilisation du temps de travail à des fins déloyales, notamment pour la concurrence
En lāespĆØce, deux salariĆ©s avaient crƩƩ et dĆ©veloppĆ© une activitĆ© commerciale pour deux sociĆ©tĆ©s concurrentes de leur employeur, pendant leur temps de travail, tout en utilisant les moyens tĆ©lĆ©phoniques et informatiques de ce dernier (arrĆŖt cass. crim du 5 mai 2018)
Exemple n°3: DĆ©tournement de la clientĆØle par dāanciens salariĆ©s
Constitue un abus de confiance le fait de dĆ©tourner la clientĆØle de lāemployeur au profit dāune autre sociĆ©tĆ©, y compris en lāabsence de fichier client (arrĆŖt cass. crim du 22 mars 2017)
Exemple n°4: Des boissons offertes Ć lāinsu du gĆ©rant dāĆ©tablissement
Un serveur qui offre, Ć lāinsu du gĆ©rant, des boissons aux clients de lāĆ©tablissement sans Ć©mettre de facture ou tickets de caisse ā gratuitement (arrĆŖt cass. crim du 5 octobre 2011)
Exemple n°5: DĆ©tournement de la connexion internet de lāentreprise Ć des fins de visionnage de contenus pornographiques
Se rend coupable d'abus de confiance le salarié qui, au moyen de l'ordinateur et de la connexion Internet mis à sa disposition pour les besoins de son activité professionnelle, visite des sites pornographiques et stocke, sur son disque dur, du contenu de même nature (arrêt cass ; crim du 19 mai 2004)
Abus de confiance par salariĆ© : quels recours pour lāemployeur ?
Dans le cas dāun abus de confiance caractĆ©risĆ©, lāemployeur est justifiĆ© Ć procĆ©der au licenciement du salariĆ© fautif en invoquant la Ā« faute grave Ā», voire la Ā« faute lourde Ā» dans certains cas et si les circonstances dāune particuliĆØre gravitĆ© le justifient, notamment sāil est dĆ©montrĆ© que lāemployĆ© a agi avec lāintention de nuire Ć lāemployeur.
On retient gĆ©nĆ©ralement trois niveaux de faute (simple, grave et lourde), chacune ayant ses propres consĆ©quences juridiques et disciplinaires. Lāabus de confiance, dĆ©lit prĆ©vu et rĆ©primĆ© par la Code pĆ©nal, est en lui-mĆŖme constitutif d'une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement, toutefois la qualification de Ā« faute lourde Ā», bien qu'habituellement avancĆ©e par les employeurs confrontĆ©s Ć des cas dāabus de confiance, n'est pas une qualification qui dĆ©coule de soi, encore faut-il pour lāemployeur rapporter la preuve de l'intention malveillante du salariĆ©.
Sur le plan de la procĆ©dure pĆ©nale, l'employeur peut engager la responsabilitĆ© pĆ©nale du salariĆ© en dĆ©posant plainte contre lui pour abus de confiance. Se pose alors le problĆ©matique de l'articulation de la procĆ©dure pĆ©nale et de la procĆ©dure disciplinaire. L'employeur peut procĆ©der au licenciement sans attendre la dĆ©cision pĆ©nale. Les deux procĆ©dures sont indĆ©pendantes. Mais en cas de contentieux devant le Conseil des prudāhommes, le juge social doit surseoir Ć statuer. Et en cas de dĆ©cisions contradictoires entre les deux juridictions, c'est le pĆ©nal qui primera en vertu de l'adage : Ā« Le pĆ©nal tient le civil en lāĆ©tat. Ā» Souvent, une condamnation pĆ©nale rend impossible le maintien du salariĆ© au sein de l'entreprise et justifie par consĆ©quent son licenciement pour faute.
PROCAP DETECTIVE, cabinet de dĆ©tectives privĆ©s agrƩƩ par le CNAPS et implantĆ© Ć Toulon, accompagne depuis 2012 les entreprises du Var et de la rĆ©gion PACA confrontĆ©es Ć des situations dāabus de confiance. Nos enquĆŖtes permettent de mettre en Ć©vidence des dĆ©tournements de fonds, lāappropriation indue de biens ou la violation dāobligations contractuelles, grĆ¢ce Ć des rapports rigoureux et recevables en justice pour protĆ©ger vos intĆ©rĆŖts.
