Il n’est pas rare qu’une situation d’arrêt de travail soit, pour un salarié, l’occasion d’une grande remise en question professionnelle. Certains utilisent cette période pour repenser leur projet de carrière, quitte à envisager une réorientation ou encore en se lançant dans l’aventure de l’entreprenariat. Si la loi n’interdit nullement à un salarié, même en arrêt de travail, de s'émanciper en créant son entreprise, elle pose cependant un certain nombre de limites et de conditions.
Créer une entreprise pendant un arrêt de travail : possible, mais sous conditions...
La liberté d’entreprendre est un principe ayant une valeur constitutionnelle. Puisant sa source dans l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, ce principe garantit, pour chacun, le droit de créer ou d’exercer librement une activité économique. L’arrêt de travail, en soi, n’est pas un obstacle à cette liberté. Même en arrêt de travail, un salarié peut créer son entreprise. Néanmoins, il doit respecter certaines conditions.
Respect des obligations liées à l’arrêt
Avant de se lancer dans la création d’un projet d’entreprise, un salarié en arrêt doit d’abord vérifier les obligations auxquelles il est tenu, et s’assurer de la compatibilité de son projet avec les prescriptions de l’arrêt. En général, un salarié en arrêt de travail est tenu à un ensemble d’obligations, celles-ci sont énoncées à l’article L323-6 du Code de la sécurité sociale. Elles portent notamment sur les éléments suivants :
Respect des prescriptions médicales ;
Respect des horaires de sorties autorisées ;
Disponibilité pour les contrôles de l’assurance maladie ;
Le respect des obligations formelles (établissement de certificat médical, information de l’employeur et des organismes de sécurité sociale)
Interruption d’activité professionnelle non-autorisé
La visite médicale de reprise
Le non-respect de ces obligations peut entrainer un panel très large de conséquences pouvant aller de la simple suspension ou diminution des indemnités journalières d’assurance maladie, jusqu’au licenciement, voire des sanctions pénales en cas d’arrêt frauduleux ou de travail dissimulé (fausse déclaration, escroquerie à l’assurance maladie).
Un projet de création d’entreprise n’est cependant pas incompatible avec les obligations inhérentes à l’arrêt de travail. Un salarié peut, pendant son arrêt, monter un projet de création d’entreprise, si tant est qu’il respecte les prescriptions de l’arrêt et s’astreigne à des démarches purement administratives de création en évitant l’exercice effectif d’une activité à caractère lucrative. Dit autrement, il peut procéder à l’immatriculation de son entreprise et remplir les démarches administratives afférentes, mais ne peut pas encore l’exploiter pleinement.
Vérifier les restrictions imposées par l’employeur : la clause d’exclusivité
Avant de créer sa propre entreprise, le salarié doit vérifier s’il n’est pas soumis à une clause d’exclusivité. Rien n’empêche un employeur de prévoir dans le contrat une telle disposition, il doit cependant veiller à respecter certaines conditions de légitimité et de proportionnalité.
La clause d’exclusivité est une disposition qui a lieu « pendant » la durée du contrat de travail, à la différence de la clause de non-concurrence qui ne débute qu’à l’issue de celui-ci. La clause d’exclusivité vise essentiellement à restreindre la liberté d'un salarié de travailler pour une autre entreprise ou pour son propre compte, ou encore d'exercer en parallèle une activité rémunérée. Elle interdit en principe au salarié de créer sa propre entreprise, celui-ci ne devant consacrer son temps de travail et ses compétences qu’à l’entreprise qui l’emploie.
Pour être valide cependant, la clause d’exclusivité doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature de l’emploi, et proportionnée au but recherché. En outre, elle doit expressément figurer dans le contrat de travail et ne peut se présumer du simple fait d’une relation de travail. Un projet de création d’entreprise est de fait inconciliable en la présence d'une restriction contractuelle telle que la clause d’exclusivité.
Respecter l’obligation de loyauté et s’abstenir de toute action déloyale
Le devoir de loyauté est une obligation pour le salarié. Selon l’article L1222-1 du Code du travail, « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ». Bien que l’arrêt de travail constitue une « suspension du contrat de travail », l’obligation de loyauté demeure valable y compris pendant l’arrêt. Ainsi, un salarié en arrêt n’est pas pour autant libéré de cette obligation.
Le code du travail ne précise pas de manière exhaustive ce que recouvre l’obligation de loyauté, c’est la jurisprudence ainsi la tradition juridique qui en donneront les implications et le contenu. La loyauté à laquelle est tenu le salarié recouvre ainsi des principes tels que la confiance, la fidélité, la non-concurrence, la disponibilité, la confidentialité, ainsi que la prudence (absence de tord causé à l’employeur). Ainsi, un salarié qui profite d’un arrêt de travail pour créer une entreprise concurrente, ou s’adonne à des actes malveillants ou déloyaux (dénigrement, parasitisme, détournement de clientèle, etc.) s’expose non seulement à un licenciement, mais aussi à une condamnation pour concurrence déloyale.
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