- PROCAP DETECTIVE
Peut-on cumuler une action en contrefaçon et une action en concurrence déloyale?

Imaginons une situation – hélas si fréquente - combinant contrefaçon et concurrence déloyale. Prenons l'exemple d'une entreprise X qui commercialise des produits sous une marque dont elle détient un doit privatif, et qu'une entreprise Y, exploite une marque contrefaisante. L'entreprise X peut-elle invoquer simultanément la contrefaçon et la concurrence déloyale à l'encontre de l'entreprise Y ? Sur ce sujet, la réponse de la Cour de cassation est claire : le cumul des deux actions n’est possible qu’en présence d’ « une faute constitutive de concurrence déloyale distincte de la participation aux faits de contrefaçon ». Dit autrement, pour qu'une action en contrefaçon et en concurrence déloyale soient menées simultanément par le demandeur, il faut impérativement que les faits reprochés pour chacune des deux soient distincts. Explications Même si la contrefaçon et la concurrence déloyale partagent un substrat commun (elles nuisent toutes deux au principe d'éthique économique entre concurrents), les deux actions n'ont pas le même fondement juridique et ne protègent pas les mêmes droits. La contrefaçon est un délit réprimé pénalement (art.L335-2 du Code de la propriété intellectuelle). L'action en contrefaçon tend à sanctionner une atteinte à un droit de propriété intellectuelle clairement défini dont se prévaut la victime. Régie par les disposition du Code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon consiste dans la reproduction ou l'imitation sans autorisation d'une marque, un brevet, un dessin et modèle ou une oeuvre protégée par un droit de propriété intellectuelle. Le contrefacteur encourt une peine d’emprisonnement d'une durée pouvant aller jusqu’à trois ans ainsi que d'une amende pouvant atteindre 300 000 euros. Si le délit est commis en bande organisée, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 500 000 euros d’amende. Enfin, si le contrefacteur est une personne morale, les sanctions peuvent atteindre 750 000 euros d’amende. La concurrence déloyale désigne toute pratique ou agissement abusifs d'une entreprise à l'égard de sa concurrente. La concurrence déloyale n'a pas pour objet la protection d'un droit privatif, mais à sanctionner toute atteinte au principe général de la liberté du commerce, et son corollaire celui de la liberté de la concurrence. Celle-ci suppose intrinsèquement une loyauté dans la relation qu'entretiennent les agents économiques en compétition. Le fondement juridique de la concurrence déloyale est la responsabilité civile délictuelle transposée au domaine de la concurrence. Elle repose essentiellement sur l'article 1240 du Code civil, qui dispose : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Avec le temps, la jurisprudence a dégagé un ensemble d'agissements contraires à cet esprit de loyauté, et par voie de conséquence constitutifs de concurrence déloyale. Sans entrer dans le détail, on se contentera de citer le dénigrement, la confusion, la désorganisation et le parasitisme. Tandis que l'action en concurrence déloyale est régie par le droit de la responsabilité délictuelle, la contrefaçon est constitué dès lors qu'un droit privatif est atteint, peu importe qu'elle ait causé un préjudice ou non. Pour répondre donc à la question initiale, oui le cumul des actions en contrefaçon et en concurrence déloyale est possible si et seulement si les deux qualifications se fondent sur des faits distincts. On notera qu'un fait distinct ne doit pas être qu'une simple conséquence naturelle de la contrefaçon, mais caractériser une pratique déloyale à part entière. Il doit donc comporter les éléments constitutifs de celle-ci, à savoir nécessairement une faute (confusion, parasitisme, désorganisation, etc.) un préjudice (perte financières, baisse des ventes, dégradation de l'image) et existence d'un lien de causalité. Dernier point, le cumul de l'action en contrefaçon et en concurrence déloyale ne doit pas avoir comme but de réparer deux fois le même préjudice.